Positionner l’innovation en tourisme face à l’intensité de la transition écologique et numérique que traverse actuellement l’industrie touristique

Innovation Ecoresponsable Numérique Stratégie Entreprises Social

Bien qu’il soit un terreau fertile à son implémentation, l’innovation est rarement issue du secteur touristique en tant que tel. Dans la grande majorité des cas, la filière touristique profite des innovations initialement destinées à d’autres secteurs économiques. En outre, il s’agit très souvent d’innovation, de produits, services ou processus, mais très rarement d’innovation disruptive. Du fait de sa fragmentation et de la prédominance de très petites entreprises, le paysage de l’innovation touristique est généralement caractérisé par peu de leaders et beaucoup de suiveurs retardataires.  Ceci explique pourquoi, en comparaison à d’autres branches, le tourisme n’affiche généralement pas de bonnes performances en termes d’innovation.

L’identification des mesures nécessaires pour accélérer la transition écologique, numérique ainsi que pour renforcer la résilience de l’écosystème touristique a fait l’objet d’un récent rapport de la Communauté Européenne[1]. Basé sur une large consultation des parties prenantes, le rapport souligne l’importance de l’innovation au sens large, notamment pour stimuler le développement de l’économie touristique circulaire.

En visant la mise au point de technologies, modèles de gouvernance et pratiques innovantes transférables à l’échelle d’un territoire, des enseignements sont tirés d’initiatives innovantes allant au-delà du seul champ touristique et portant sur :

  • L’implémentation de technologies de transports durables ;
  • La création de procédés et solutions permettant de réduire le gaspillage alimentaire ;
  • La mise en œuvre de pratiques et technologies contribuant à une utilisation rationnelle des ressources (eau, énergies renouvelables) ;
  • La mise à disposition des services de restauration et d’hôtellerie circulaires ;
  • La réduction des matériaux jetables sans nuire à la santé et sécurité des visiteurs ;
  • Les programmes d’innovation sociale basés sur des modèles de gouvernance visant à favoriser des chaînes d’approvisionnement régionales ;
  • Les technologies de construction à faible consommation d’énergie ou à consommation d’énergie nulle ;
  • La conception de nouveaux modèles de tourisme durable, voire régénératif.

 

Source: freepick

 

La double transition du tourisme appelle une innovation transversale

La double transition (écologique et numérique) du tourisme requiert des approches innovantes aussi bien au niveau des infrastructures que des compétences à mobiliser. Sur le plan de la mobilité, il s’agira par exemple de mettre en place des transports multimodaux, de moderniser les infrastructures ainsi que l’implémentation de stratégies encourageant très fortement le recours aux transports publics tant pour les résidents que pour les touristes.

Pour le bâti, les incitations de rénovation vont très directement impacter l’efficacité énergétique des bâtiments. Souvent à la traîne, les infrastructures liées au tourisme doivent fortement augmenter leur volume de rénovation. Pour les bâtiments dédiés à l’hébergement touristique et à l’accueil de visiteurs, ce pourrait également être l’occasion d’améliorer l’accessibilité, l’attractivité et la fonctionnalité de l’espace. Ceci permettrait de faciliter l’application de mesures extraordinaires en lien avec la sécurité et la santé comme ce fut le cas lors de la pandémie de COVID-19.

En ce qui concerne les infrastructures digitales, il y a lieu de s’assurer que les PME du tourisme disposent d’un niveau de numérisation suffisant pour pouvoir créer et proposer des services touristiques numériques. Dans bien des cas, les entreprises touristiques ont encore des lacunes dans l’utilisation de la technologie pour soutenir leurs méthodes de travail et interactions avec leurs clients.

Une meilleure compréhension de la durabilité environnementale passe par l’acquisition de compétences favorisant une utilisation efficace des ressources énergétiques ainsi que le recours à des systèmes régionaux d’énergie renouvelable. Pour les territoires en mesure de mobiliser des compétences locales pointues, des emplois non délocalisables sont à la clé. Une opportunité que pourront également saisir les régions de montagne fragilisées par une érosion de leur population résidente. Les territoires qui sauront profiter au mieux de l’accélération du phénomène de double transition du tourisme conserveront un avantage compétitif important en étant à la pointe d’un tourisme résolument orienté vers la nature et la singularité culturelle, le tout soutenu par des services numériques performants en matière de planification, réservation et accompagnement lors des séjours.

Après les déboires connus durant la pandémie, la résilience de l’écosystème touristique a clairement été démontrée avec le regain de confiance à nouveau affiché par les acteurs du tourisme. La mise en relation offre/demande grandement facilitée par les nouvelles technologies a notamment permis de renforcer les services entre particuliers et plus précisément les locations de court terme. Couplées aux changements sociétaux induits par la pandémie, ces locations ne se sont plus limitées aux seuls besoins touristiques, mais ont trouvé d’autres affectations, notamment celles visant à répondre aux besoins des télétravailleurs ou travailleurs nomades.

Cette mise à profit d’innovation technologique ne doit cependant pas occulter le fait que la résilience du tourisme repose également sur de l’innovation sociale. En ce qui concerne la gouvernance, l’innovation permet d’améliorer les compétences stratégiques et administratives au niveau de la gestion des destinations. La sensibilisation et l’acquisition de compétences relatives aux questions de durabilité, de transformation numérique et de gouvernance doivent encore devenir une préoccupation partagée par l’ensemble de l’écosystème touristique. À ce niveau, il s’agit de mieux informer et sensibiliser les microentreprises et PME du tourisme des avantages d’une transition vers des services plus respectueux de l’environnement. L’orientation sur la voie de la transition étant soutenue par de l’innovation sociale, organisationnelle et numérique en réponse à l’évolution des besoins des touristes et des résidents.

Dans sa dimension sociale, l’innovation devra encore répondre aux besoins de compétences de la main-d’œuvre dans le secteur du tourisme, ainsi que sur la mise en œuvre de parcours de carrière attrayants. Dans ce domaine, l’interaction entre l’innovation sociale et l’innovation technologique sera abordée avec la plus grande vigilance. En effet, la prolifération des plateformes collaboratives facilite la mise en relation entre offreur et demandeur d’emploi, mais conduit également à un accroissement des situations de travail précaire.

En outre, la dimension sociale de l’innovation s'attaquera aux questions de l’accessibilité du tourisme aussi bien pour les personnes à mobilité réduite que pour les populations à faibles revenus. D’autre part, il s’agira d’intégrer le bien-être des résidents en orientant l’innovation vers la conception de services touristiques profitant à la fois aux touristes et aux résidents. Résolument tournée vers l’avenir, la double transition ne rencontrera le succès qu’à condition que la jeune génération en partage les valeurs et objectifs à long terme.  Ici encore il existe un énorme potentiel d’innovation à exploiter pour mieux accompagner cette jeunesse sur la voie d’un « nouveau tourisme ».

 

 

[1] Parcours de transition pour le tourisme – Commission Européenne 2022 : Direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des PME

 

 

Source de l'image : Freepick