Lacs glaciaires

ChangementClimatique

Nouveaux lacs glaciaires à vocation touristique

Sous les effets des changements climatiques, des lacs remplaceront bientôt les glaciers comme élément constitutif du paysage alpin. Une étude du programme national de recherche « Gestion durable de l’eau» (PNR 61) s’est intéressée au potentiel que présentent, en termes d’attractivité touristique, de production hydro-électrique et de dangers naturels, les lacs déjà présents et ceux à venir. Actuellement, tous les glaciers alpins reculent. Au rythme actuel, leur disparition est prévue à la fin du 21ème siècle, date à laquelle ne devrait subsister que quelques résidus à haute altitude.

Les glaciers sont un élément marquant du paysage alpin. Ils sont aussi une attraction majeure pour de nombreuses destinations suisses, qui les utilisent comme argument marketing (par exemple « das gastliche Gletscherdorf Grindelwald ») et qui les intègrent depuis longtemps dans leur offre. Une enquête a montré que 60% des communes suisses qui possèdent des glaciers sur leur territoire, génèrent des bénéfices financiers grâce à cette attraction. Au Canada, selon une autre étude menée dans le parc national de Banff, 32 % des visiteurs ont répondu ne plus être intéressé par une visite du parc en cas de retrait complet des glaciers. Toutefois, en Suisse, certains pensent que le retrait glaciaire est également une opportunité économique. La fonte des glaciers est un signe évident des changements climatiques en cours et ce phénomène spectaculaire attire également des visiteurs.

Le recul des glaciers alpins produira à terme de 500 à 600 bassins susceptibles d’accueillir des lacs. Leur surface cumulée atteindra de 50 à 60 kilomètres carrés. Certains de ces lacs auront une profondeur supérieure à 100 mètres et un volume de plus de 10 millions de mètres cube, soit l’équivalent d’un lac de barrage de taille moyenne. Des lacs sont déjà en formation dans des régions emblématiques du paysage glaciaire suisse, comme pour le glacier du Rhône en Valais ou le lac du glacier du Trift, dans les Alpes bernoises, qui a connu un véritable succès médiatique national.

Ce lac est apparu à la fin des années 90 au front du glacier du Trift, rendant difficile le parcours vers la cabane de montagne de Trift. Afin de contourner l’obstacle, les autorités locales ont choisi de construire un vertigineux pont suspendu, sur le modèle des ponts népalais. Ce dernier a connu un succès immédiat. Au point que les exploitants du réseau de barrage de la région du Grimsel, où se situe le glacier, ont affecté un ancien funiculaire de chantier pour y amener plus rapidement les touristes. La cabane a connu pour sa part une forte croissance de ses visiteurs. La haute montagne est par définition un milieu très dynamique, où les changements sont rapides, et nul ne peut prédire dans quelle mesure la disparition complète du glacier du Trift pourra affecter la fréquentation du site à long terme.

Bien sûr, le retrait glaciaire a également des conséquences négatives sur l’économie touristique. Environ 1/3 des 153 cabanes de montagne du Club Alpin Suisse sont situées à proximité d’un glacier et la fonte des glaces oblige fréquemment à un réaménagement des sentiers d’accès avec des coûts d’investissement importants, ce qui peut affecter la rentabilité des cabanes. De plus, le retrait glaciaire déstabilise certains versants, rendant ainsi plus difficile l’accès aux cabanes de montagne et nécessitant la fermeture temporaire des sentiers pour en assurer la sécurité. La fréquentation, et donc la rentabilité s’en trouve également affectée négativement.

L’exemple du lac glaciaire du Trift illustre bien, qu’à l’échelle locale, les changements climatiques ne se résument pas nécessairement à une liste d’impacts négatifs. Les changements de paysage dans les Alpes génèrent des risques mais aussi des opportunités pour l’activité touristique.

Références

Fonds national suisse (FNS) : Des lacs à la place des glaciers, Communiqué de presse du 13 septembre 2012.

Haeberli W. et al. (2012). Neue Seen als Folge der Entgletscherung im Hochgebirge: Klimaabhängige Bildung und Herausforderungen für eine nachhaltige Nutzung (NELAK), Forschungsbericht NFP 61, Projekt NELAK, 196 p.

Scott, D. & Jones, B. (2005) Climate change and Banff National Park - implications for tourism and recreation. Faculty of Environmental Studies, University of Waterloo, Ontario Canada.

Vuilleumier, B. & Neff, C. (2008) Verkannte Gletscher? Gletscherschwund in der Wahrnehmung der Schweizer Gletscher-Gemeinden. Stiftung Landschaftsschutz (SL), Bern.